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ECRIRE LA FAIM – Famines, disettes, expériences de la faim dans l’Europe de la première modernité

10 octobre 2024 . 9h00 11 octobre 2024 . 17h00

Organisateur :

UNICAEN · LASLAR · Louise DEHONDT

Lieu :

Caen · campus 1 · MRSH · Salle des Actes (SH027)

Caen,

« La faim va devant moi, force est que je la suive » (Les Tragiques, 1616, I, v. 381) : c’est un impératif poétique autant que moral qui oblige Agrippa d’Aubigné à témoigner d’un monde à l’envers où la faim conduit à l’épisode bien connu du cannibalisme maternel. 

Si cette scène frappe par son caractère spectaculaire, la faim apparaît aussi comme une épreuve récurrente dans la littérature de la première modernité. Que l’on pense à l’épopée de la faim de Lazarillo (1554) ou à l’incipit du « Petit Poucet » (1697), aux marins sur les routes de l’Amérique contraints de mâcher le cuir ou aux plébéiens qui menacent de sédition, faute de grain, dans Coriolan de Shakespeare (c.1607-1609), les textes sont hantés par les corps affamés d’enfants et de vieillards édentés. L’expérience de la faim touche d’abord les pauvres et marginaux lors des innombrables disettes et pénuries qui frappent les pays d’Europe du XVIe au XVIIIe siècle, mais les épisodes de grandes famines rappellent que la faim peut menacer chacun, quelle que soit sa richesse. 

Les historiens ont bien étudié ces crises frumentaires ainsi que leurs conséquences démographiques et politiques dans une Europe très dépendante des céréales et fragilisée par un marché des grains fortement spéculatif. Mais il importe de se pencher sur les productions textuelles, littéraires et artistiques qu’ont pu générer les expériences de la faim. Au croisement des food studies et des études sur l’écriture des désastres, nous souhaiterions étudier les représentations des corps dénutris, affamés, marqués par les disettes, ainsi que les traces laissées par les privations de nourriture dans les textes de la première modernité afin d’interroger leurs enjeux anthropologiques, esthétiques, éthiques, sociaux et politiques. La faim sera ici moins appréhendée comme appétit ou désir que comme l’expérience, éprouvée dans sa chair, du manque de nourriture, qu’elle soit quotidienne ou qu’il s’agisse d’une épreuve exceptionnelle, signe d’une calamité collective. Comment récits, performances, discours peuvent-ils mettre en forme l’expérience de la faim, interroger les divers facteurs des pénuries, ainsi que les effets d’une expérience de privation susceptible d’éveiller les révoltes mais aussi d’ébranler les interdits moraux ? Plusieurs perspectives d’études, non exclusives, peuvent être envisagées.