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Jean-Luc Godard à la lettre

13 février 2020 . 14h00 14 février 2020 . 14h00

Organisateur :

LASLAR · David Vasse · Julie Wolkenstein

Lieu :

Caen · campus 1 · MRSH · Salle des Actes (SH027)

Caen,

Après Eric Rohmer (en 2014), François Truffaut (en 2016), Jacques Rivette (en 2017) et Claude Chabrol (en 2018), c’est à Jean-Luc Godard qu’appartient de clore le cycle de journées d’études que l’Université de Caen Normandie et le LASLAR consacrent depuis cinq ans aux mille et unes influences de la lettre – et plus généralement de la chose écrite – sur l’œuvre des principaux cinéastes de la Nouvelle Vague.

Seul survivant désormais (avec Jacques Rozier) d’une période phare en la matière, Jean-Luc Godard est à l’évidence la figure la plus à même de faire la synthèse entre toutes les approches abordées jusqu’ici quant à ce qui relie le cinéma et l’écrit, l’image et le mot, le voir et le dire. De tous les cinéastes de cette génération, Godard est sans doute celui qui a le plus obstinément travaillé les rapports polémiques entre ce qui s’enregistre et ce qui s’écrit, rapports faits d’hommages et de conflits, de fidélités et de ruptures, de dénotations et de connotations, tout ce qui, depuis ses débuts, détermine un jeu dialectique souvent violent avec le langage, la communication, les preuves d’amour et d’humanité hantées par les puissances du doute et de l’inachèvement. Bien qu’il professe se méfier du texte en son pouvoir d’entraver trop explicitement l’acte de regarder une image, son œuvre protéiforme, courant sur six décennies, fait état d’une véritable passion de la lettre invoquée, du mot joué, de l’écriture déposée. Une passion de la graphie qu’il est peut-être le seul à ne pas vouloir séparer physiquement du cinéma. Cinématographe : écriture du mouvement, à l’intérieur duquel s’opère celui de l’écriture. 

Critique dans les années 50, aux côtés de ses camarades de Arts et des Cahiers du cinéma, caressant à l’époque le rêve de publier des romans avant de projeter dans ses films son goût du romanesque, son amour des livres, ouverts ou fermés, biens précieux disponibles au toucher et à la pensée, avec des yeux pour lire et des mains pour suivre ce que les yeux ont lu, Jean-Luc Godard n’a cessé de puiser dans la (et les) lettre(s), dans les tours et détours des mots, matière inépuisable à voir et à sentir la vie, « la vie toute seule, ce qu’il y a entre les gens, l’espace, le son et les couleurs. » (Pierrot le fou).

La première journée d’études aura lieu le jeudi 13 février 2020 (après-midi) et le vendredi 14 février 2020 (matin) à l’amphi MRSH de la MRSH (Maison de la Recherche des Sciences Humaines) de l’Université de Caen. Elle sera consacrée à la place de l’écrit sous toutes ses formes à l’intérieur des films de Godard. Il s’agira, toutes périodes confondues, d’étudier l’écrit à l’état de matière dynamique, exposée plein cadre ou de manière transversale, de mettre en lumière sa valeur signifiante d’interposition ou de complément à l’image, tour à tour stridence et harmonique, sa valeur poétique dans les plis du montage (rime et contrepoint), ou de simplement révéler la stricte beauté graphique de sa composition de lignes enroulées dans l’idée qu’il profère ou murmure. Il peut en ce sens être envisagé d’aborder l’acte même d’écrire dans les films de Godard, ce que cet acte implique pour celui ou celle qui l’effectue (logique de création ou de corruption, principe de non concordance fatale avec la nature d’un sentiment ou d’un raisonnement qu’il peine à traduire, lien tragique avec ce qui n’est pas nommable, etc.). Peuvent être aussi proposés comme cas d’étude le fameux usage des citations, plus exactement de la chair citative (exemple : la dispute du couple par couvertures de polars interposées dans Une femme est une femme), la place concrète du livre comme objet providentiel, transitionnel et relationnel entre l’homme et la femme, l’idée et le sentiment, la science et la culture, etc. (rares sont les films de Godard qui n’en montrent pas), le recours aux mots des autres pour dire plus et mieux ce qu’il n’est pas ou plus possible de dire soi-même, avec parfois le risque de l’erreur et de la trahison (c’est notamment l’un des reproches entendus dans Le Mépris).   

La deuxième journée d’études aura lieu le jeudi 2 avril 2020 (après-midi) et le vendredi 3 avril 2020 (matin), toujours à l’amphi MRSH de l’Université de Caen. Elle sera cette fois consacrée à la proximité agissante des hommes de lettres dans l’esprit de Godard à chaque nouveau projet. Lui qui n’a jamais adapté d’œuvres littéraires au sens traditionnel (exceptés Le Mépris d’après Alberto Moravia, Pierrot le fou d’après Lionel White ou encore Made in USA d’après Richard Stark, trois films qui n’ont justement rien d’une adaptation traditionnelle), il s’agira de comprendre comment infuse chez lui l’imaginaire des écrivains et des intellectuels au départ d’un film comme dans sa composition à venir, tantôt sur le mode de la convocation assumée, conjuguée à une réflexion du moment, tantôt sur celui de la réminiscence (pour reprendre la belle intuition d’Alain Bergala à son sujet). Après les parcours de la plume à l’écran, programme de la première journée d’études, l’heure sera ici à l’analyse des échanges secrets ou incantatoires que Godard noue, au son comme à l’image, avec une « république » d’auteurs différents qu’il reprend à la lettre ou détourne, honore ou discute, le temps d’une phrase prélevée d’une œuvre comme la couleur d’un ciel. De Faulkner, Chandler, Musil, Stendhal, Baudelaire, Bernanos, Dostoïevski, Woolf, et tant d’autres, Godard s’est servi pour les servir à son tour. Si ne convient pas le mot « adaptation », par quel autre le substituer ? Illustration ? Rêverie épistolaire ? Echo légendaire à l’image ? Paraphe sacré ? Toutes les hypothèses seront les bienvenues. C’est à ces multiples « invitations » des grands esprits littéraires dans la galaxie cinématographique du maitre de Rolle que cette journée se propose de revenir, à l’échelle d’un film en particulier ou par croisements plus ou moins intempestifs.        

Affiche Godard à la lettre