Catégorie(s) :
Catégorie d’Évènement: Colloque
28 mai 2020
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9h00
–
18h00
Organisateur :
LASLAR · M. Juan · Ch. Gauthier · A. Kerlan · S. Louis · M. Leventopoulos · D. Vezyroglou
myriam.juan@unicaen.fr
Depuis vingt ans, se tient, à Paris, un séminaire portant le titre « histoire culturelle du cinéma ». Celui-ci souhaite favoriser la rencontre de spécialistes du cinéma issus d’horizons différents mais aussi de chercheures et chercheurs venus d’autres champs, travaillant parfois sur des objets connexes (presse, théâtre, expositions, médias…), s’inscrivant dans diverses sciences sociales et explorant des aires géographiques multiples. De sa création jusqu’à aujourd’hui, les organisateurs et organisatrices n’ont pas cherché à fonder une école, ni une discipline, mais à encourager un renouvellement des approches dans l’espace académique français en posant, dans le cadre de thématiques bi-annuelles rythmant les réflexions collectives, des questions d’histoire aux phénomènes cinématographiques. Afin de caractériser la place de ces derniers dans les espaces sociaux, politiques et culturels, il a notamment été entrepris d’inclure les objets filmiques dans une entreprise historiographique excédant largement ceux-ci et leur fabrique.
Si l’histoire culturelle peut être définie comme « une histoire sociale des représentations » selon la formule de Pascal Ory, alors l’histoire culturelle du cinéma peut être appréhendée comme une histoire sociale des représentations conçue à partir du cinéma. Or de même que la notion de représentation déborde celle d’image stricto sensu pour englober les discours et les pratiques à travers lesquels ces représentations peuvent aussi s’exprimer, de même le champ du cinéma déborde dans cette perspective celui du film, pour englober les activités et les imaginaires sociaux qui y sont afférents, qu’il s’agisse d’examiner les contours d’une industrie culturelle, des pratiques spectatorielles et leurs déterminants idéologiques, des discours cinéphiles et critiques ou les mythologies véhiculées par un art de masse.
Cette date anniversaire est l’occasion de proposer la tenue d’un colloque qui vise à questionner les enjeux épistémologiques entre histoire et cinéma et à en réinterroger les pratiques scientifiques.
Plusieurs axes de réflexion pourront être développés durant le colloque. Nous en proposons ici quatre.
On s’interrogera bien entendu sur les frontières épistémologiques et les territoires de l’histoire culturelle du cinéma.
À force d’élargissements, des interrogations sont apparues concernant ses contours, ses objectifs et ses fondements : à quoi celle-ci s’intéresse-t-elle in fine ? Sa spécificité réside-t-elle dans ses objets, ses méthodologies ou encore dans le regard qu’elle porte sur le fait cinématographique ? Dans quelle mesure contribue-t-elle à redéfinir ce dernier ? Comment dialogue-t-elle avec d’autres formes d’histoire et d’autres approches de la culture, en particulier celles issues des différentes studies (des cultural aux media studies en passant par les gender ou les star studies) ? En somme, comment se situe-t-elle dans le paysage historiographique international ? On sera notamment attentif aux croisements ou aux convergences esquissées ou possibles avec d’autres approches parmi lesquelles la New Cinema History.
Un autre ensemble de questions concerne le rapport au national et au transnational, rejoignant ainsi l’abondante historiographie sur ces échelles d’observation. Si le cinéma est pris dans le tissu des pratiques locales et des enjeux nationaux, il est de toute évidence objet de transferts et de circulations à l’échelle du globe dès la fin du XIXe siècle. Comment, à l’heure du transnational turn des études cinématographiques comme des études historiques, adapter l’approche historienne à ce défi méthodologique ? Comment peut-on/doit-on circonscrire le territoire d’une approche culturelle et penser ses imbrications, du local au régional puis au global ? Le cinéma offre-t-il à l’histoire culturelle un cas d’école sur cette question ?
L’histoire culturelle est une forme d’histoire sociale et, à ce titre, un intérêt particulier sera porté aux études consacrées aux femmes et aux hommes qui, des travailleurs et travailleuses du film aux spectateurs et spectatrices ordinaires en passant par des personnalités plus célèbres, font le cinéma. On pourra se pencher par exemple, en amont, sur les métiers du cinéma, les organisations professionnelles, les discours et les représentations dont ceux-ci ont fait l’objet.
On accordera en outre une attention toute particulière au cas du dispositif spectaculaire (cinéma des attractions, séances ordinaires des salles commerciales, ciné-clubs, séances patrimoniales, festivals…). Plus largement, se pose la question de ce que signifie assister à une projection en collectif. Comment l’expérience du spectacle cinématographique s’organise-t-elle matériellement et socialement ? Une histoire culturelle du cinéma ne doit-elle pas se donner pour tâche d’examiner les multiples déclinaisons de l’expérience spectatorielle ? Mais avec quels outils (quantitatifs, qualitatifs), quelles méthodes ?
On voudrait aussi revenir sur un reproche parfois fait à l’histoire culturelle du cinéma : si celle-ci est une histoire qui excède celle des films, n’y a-t-il pas le risque qu’elle ne fasse pas de place, ou pas assez, aux formes cinématographiques ? Contrairement à une histoire de l’art classique qui considérait presque comme exercice obligé l’analyse de l’œuvre, l’histoire culturelle du cinéma semble parfois aborder le fait cinématographique sans passer par une étude formelle. Ce choix est en réalité tributaire des sujets d’étude. La question de la place dévolue au film comme objet de l’histoire culturelle ne s’en pose pas moins : peut-il exister une histoire culturelle des formes filmiques ?